Ah! Les livres... C’est bien beau. On lit des livres et on s’économise bien des choses; des choses aussi triviales que l’existence. Et si les romans étaient empreints de réalité? Si, au lieu de nous livrer les aventures que jamais nous ne vivrons, ils étaient de purs récits de vie quotidienne?
Si enfin, nous cessions d’être à côté de nous même...
J’ai divorcé.
Et d’ailleurs ça n’a pas commencé comme ça. Mais plutôt comme un roman de Pennac où la première phrase lance un clin d’oeil à Rimbaud, interpelle un vers du Bateau Ivre. Cloué, porte-poteau, malheur-couleur. Qu’est-ce qu’il vous faut de plus? Et vous appelez ça réalité? Un gosse qui simule la crucifixion sur la porte de son appartement pour barrer la route aux huissiers?! Merde alors! (oui, la merde y’en avait partout juste après d’ailleurs. Mais qui se souvient? Qui?
Je reprends. Dans les livres y’a jamais personne qui fait la vaisselle, ni les courses, ni le ménage, ni paie l’assurance auto, ni encaisse les chèques, ni achète des godasses nouvelles aux gosses, ni change le joint de l'évier, ni va chez le dentiste (à part peut-être Martin Amis. Ah merci Martin d'avoir apporté un peu de réalité dans ce florilège de romans rocambolesques –pour les ignares qui lisent ce blog, et je sais qu’ils sont nombreux, Martin Amis avait de serieux problèmes dentaires, qu’on se le dise-
Malgré cette absence totale de logistique, nos personnages de romans, sont là, attablés, avec leur personnalité taillée au silex. On s’en rend compte quand ils parlent! Alors là, ils parlent... Conversation légère mais lumineuse, subtile et des dialogues comme des échanges de tennis sur le central de la porte d’Auteuil. Bref, qu’on aimerait en avoir des paroles comme ça dans la vie de tous les jours. Re-bref, les livres, ce sont pas des modes d’emploi. Bien au contraire. Ils sont tout ce qu’on ne fera jamais. Et ils nous incitent à ne pas entreprendre à faire ce qui est écrit dedans, surtout si cela nous a paru beau. Mais puisque je l’ai lu dans le livre, vécu dans le livre...
Alors j’ai divorcé. J’ai dit: les livres c’est fini. Oh! Biensûr je vais pas les brûler. Je suis une martyre pas une hérétique. Je vais les garder. Une bibliothèque, ça fait toujours bien chez soi. Ca é-pa-te.
- Mon Dieu! Tous ces livres. Et tu les as tous lus?
- Oui malheureusement.
Je ne lirai plus. Je vivrai. D’ailleurs, j’ai commencé. Et vous en avez la preuve avec tout ce qui est collé ici. C’est pas des trucs inventés ou de la mise en scène. C’est pas des décors ni des planchers de pièces montées. Ma tante Baba, je l’entends encore dire de moi: mais cette fille-là, c’est Alexandra David-Néel. Il faut qu’elle fourre son nez partout, qu’elle aille voir elle-même s’il fait meilleur ou c’est vraiment beau comme on le dit. Elle peut pas se contenter des images ou du cadre bien tracé d’un tour operator.
“Ah ouais, t’es hard core!” m’avait un jour dit Seppe, un flamand rencontré en voyage au Cambodge quand je lui racontais mes retours du site d’Angkor Vat en vélo: course nocturne de 6 km sur une route au milieu de la jungle, sans lumière.
- Ah! tu vas dans un bled? Mais le quel?
- Non à Bled, sans article indéfini devant. D’accord?
Et puis des quantités de choses inutiles qui noircissent mon agenda. Vous voyez c’est que du réel. Et de l’actuel, du tout frais: j’ai divorcé. On ne m’y reprendra plus. Lire des histoires folles à lier.
- Tu en demandes trop
- Comment?
- Oui. Trop exigeante!
- C’est la meilleure. Et qui parle d’ailleurs?
- C’est moi. L’Imagination?
- Ca y est. Je tiens le coupable... Bouge pas, j’ai deux mots à te dire.
- C’est toujours le même scénar, on m’accuse.
Et comble du comble, c’est aussi dans ces moments, quand la fatigue prend surnoisement du terrain, c’est toujours là que te vient l’envie de raconter des histoires...
Au fait, je vous ai déjà parlé de la fille qui voulait rompre avec les livres?