Je suis fan fan fan. Déjà petite... non surtout pas! C’était bien plus tard: quand j’ai compris qu’il était tout simplement naturel pour l’espèce de s’inventer, de se construire plusieurs identités. Une multiplicité qui ne serait pas la résultante d’une imposture au quotidien dans le but de s’octroyer les faveurs de quelques prélats et de veiller aux contours lisses de sa confortable bourgeoisie. Une multiplicité qui nous donnerait plusieurs voix et aussi enfin parce que ce n’est pas la chose la plus simple à assumer.
J’aurais aimé être dans le Paris des années 80. J’aurais aimé être une de celle qui découvrait dans les journaux: Emile Ajar est Romain Gary! Ça alors! J’aurais aimé avoir lu leurs romans sans me douter de leur paternité commune. J’aurais aimé émettre des portraits différents sur les deux auteurs. J’aurais aimé me gourer complètement.
Cette histoire-là, je sais plus comment ça a commencé. C’était peut-être dans une ville du sud de l’Espagne parce qu’il y était facile d’avoir en mémoire la liste des auteurs en rayon. Une librairie dont les quatre lettres sont sur tous les sacs plastiques mais qui s’intéresse peu aux auteurs étrangers dans leurs langues. Il y en avait si peu, de ces auteurs, que lorsqu’a surgit le nom de Romain Gary, je me suis dit que c’était l’occasion et rien d’autre. C’était une occasion forcée qui, d’évidence, ne me donnait pas plus envie de lire qu’avant. Cependant...
Jusque là je m’étais contentée de la biographie que j’avais recomposée en glanant ça et là des infos: origine polonaise et russe, étranger à Nice, polyglotte, engagé dans l’armée libre, déserteur des troupes pétainistes, diplomate, Jean Seberg, double nom - Jean Seberg, la militante des black panthers retrouvée morte dans sa voiture à Paris. Mais ça c’est une autre histoire -. Deux noms pour couronner une œuvre que je n’avais pas lue.
Et puis je suis tombée dedans. Maintenant lorsque je me rends dans la boutique de “second hand” – la ville a changé et changera encore, la librairie a changé - j’ai toujours ma liste de titres de Romain Gary. Et puis... même si cette visite se fait par hasard, il y a quand même un RG ou un AJ qui tombe dans mon panier.
RG... Pour un homme qui vivait dans anonymat d’un autre, ce n’est finalement pas surprenant.