Monday, September 10, 2012

CAUCHEMAR SOUS LARIAM

Avant propos. Il y a maintenant plus de 10 ans, à l’approche de ma deuxième entrée dans le sous-continent indien, un médecin m’a prescrit du Lariam comme anti-paludéen. Mes rencontres de routards sont l’occasion d’échanger des expériences sur le sujet et je dois bien conclure que la majorité a souffert des mêmes troubles que moi : tachycardie, insomnies, maux de têtes, angoisses… Mais ce qui intrigue le plus mes auditeurs dans ces circonstances c’est quand je leur révèle qu’à cette époque j’ai noté sur papier mes cauchemars. Car les cauchemars sont aussi un thème récurrent que joue le Lariam sur notre organisme. Bien au delà du voyage je retranscrivais tel un scribe de la psyché ces voyages de l’inconscient qui me laissaient certes dubitative mais guerre préoccupée. Il est bien là une chose qui m’a toujours fasciné: les effets du Lariam perdurent bien après la prise ce qui signifie que la molécule laisse une empreinte de son passage. Par quel mécanisme? Mystère. Aujourd’hui les effets secondaires du Lariam sont mieux pris en compte (ils étaient à mon avis parfaitement connus à l’époque) et les personnes concernées semblent plus averties. Cependant le médicament traîne toujours sur le marché.


Je suis dans une forêt verdoyante. Avec une bande. Nous traversons un pont en pierre au milieu de cette forêt épaisse. De part et d'autre c'est la jungle angoissante, un chaos d'arbres, de végétaux étriqués style "La voie royale". Je me trouve dans les bras d'un homme qui me murmure des choses tendres à l’oreille tout en me faisant grimper sur le muret du pont. Tout en continuant de m'apprivoiser avec ses mots de sorcier il dégage son étreinte et, montrant un sourire diabolique, me pousse lentement dans le vide. Il y a une hauteur de 30 mètres environ et je m'agrippe à ses bras maléfiques ne pouvant croire que je bascule de façon irréversible. Dans une ultime poussée de sa part je tombe dans le vide, roulant sur la terre en contre bas. J’atterris consciente et vois les autres en haut, très haut me faire des signes d'adieu. Je ne crie pas. Instinctivement, je comprends que je ne suis pas morte mais condamnée à occuper cet espace n'ayant pour autre compagnie les arbres hostiles et les bêtes féroces. Quelques semaines plus tard, le clan revient pour vérifier l’avancée de ma décomposition. Je gis latéralement dans une mare hideuse et noire. Mon corps flotte. Je suis morte sans l'être. Ils entreprennent alors la remontée de mon cadavre au bout d'une corde. Mon corps se fraye un passage entre les branches. Une fois hissée, je pourrais profiter de cette opportunité pour m’évader. J’ai en effet retrouvé le sentier tracé dans cette jungle mais je décide de ne donner aucun signe de vie. Le clan constatant ma mort de façon formelle jette de nouveau mon corps par dessus le pont exactement comme un des leurs l'avait fait auparavant. Je retrouve mon antre où j'avais commencé ma mort, heureuse d'y nourrir le désir de hanter à tout jamais les lieux.

1 comment:

flo.ihaddadene said...

Merci. Merci pour ce délice.
Je reviens tout juste d'Afrique. Ai visiblement fait une bien mauvaise réaction au Lariam pendant deux mois. Et comme une idiote, me suis réjouie que mes rêves me donnent une si belle littérature à écrire (sans savoir encore que mes reins et mes boyaux me feraient payer la prise d'un médicament que je ne tolère pas.)
Merci, j'adhère à mort au concept du prix du cauchemar!