Il est 16h30. Villars-sur-Var. N’y voyez nullement une accumulation de var. Ni de bavards. Et pourtant… La rando se termine et, sous les platanes, assis sur le petit banc en arc de cercle, nous discourons sur les relations pas légales. Pourquoi pas légales? Demande Fariba. Je suis bien embêtée. C’est vrai, je n’ai pas utilisé le bon mot. Nous levons le camp, cap sur la voiture garée au bout de l’avenue. Sur un banc en bois cette fois, face à la vallée, un homme dessine. Laurent s’approche: «a-t-il plus de talent que Fariba?». -Note de la rédactrice de ce blog: Fariba aussi a emporté dans ces poches un carnet de feuilles blanches à couverture épaisse. Fariba et le dessin c’est une longue histoire mais pas pour aujourd’hui-. Le monsieur sur le banc se retourne vers Laurent «y’a deux r à courir?». Et ce dernier de nous interpeller pour nous renvoyer la question. Je suis étonnée. Il sèche notre Laurent-je-sais-tout! Pas croyable! Je m’avance prés du banc: «évidemment deux r». Spontanément et sans prendre peur à l’attroupement autour de lui, l’inconnu nous montre sa page en cours, décrit la brume près de la chapelle St Jean ce matin à 8 heures. «C’est très difficile de retranscrire» dit-il. Des volutes sont dessinés au pinceau, des branchages aussi. Il est assis, je suis debout. J’aime photographié les personnes en plongée. Je sors l’appareil et le place au dessus de sa tête comme une lampe. Fariba est curieuse, elle voudrait forcer avec sa main les mystères du cahier, un vrai cahier de moleskine comme on n’en voit jamais dans les films. Il hésite, renonce, puis oui. Laurent prend place sur le muret en face du banc. L’inconnu déploie une page blanche. «Lui par exemple, c’est comme ça….» . Les aplats du pinceau laissent bientôt apparaître les cheveux, la tignasse plutôt. En même temps qu’il dessine, on joue aux devinettes. «L’intensité du regard est importante». Le portraitiste doit la percevoir, la capter. A force de s’y plonger il y découvre alors la vie du sujet. «Alors???». On est curieuse, les enfants s’emmerdent un peu –entre les adultes et les enfants, il y a souvent un décalage immense- Laurent est au poste de modèle. On risque pas de partir tout de suite…
Le dessin achevé, notre dessinateur le plie sur le bord et le découpe: «vous pourrez le vendre». En moi-même je pense quel prétentieux tout de même, il se prend pas pour n’importe qui! Mais j’esquive. «Alors? votre chérie qui pose pour vous dans vos cahiers, elle est pas avec vous?» Il me regarde, songeur. «Non, elle est avec son mari». On rigole. Une relation pas légale. Les femmes, selon lui, se redécouvrent une vie à quarante ans. Elles ont eu des enfants, ont fait un bout de leur vie professionnelle et puis tombent dans l’évidence: elles s’emmerdent avec leur maris. C’est l’occasion de redémarrer. Ca a l’air d’inspirer notre ami. En tout cas, il semble y trouver son compte. Pendant que nous bavardons, Fariba est passée aux commandes; cette fois, elle a pris le carnet de monsieur-sur-le-banc. Le dessin est vraiment réussi. Juste quelques traits mais ils rendent compte habilement du visage de notre inconnu. Elle signe.
- Au fait, votre nom, à vous?
- Edmond. Mais je signe Baudoin.
C’est l’émotion. Je ris. C’est reparti pour un tour. Et la religion? Jamais. Je l’ai su depuis tout petit. Mais monsieur est tout de même un peu mystique, un peu sorcier, un peu devin. En coulant le portrait de Laurent quelques minutes auparavant, il nous lâche tout bonnement «mathématicien». On est un peu sur le cul. Il se justifie. «Oh! avec une tête pareille, on est soit artiste, soit on fait des maths!». Est-il déçu d’avoir des scientifiques en face et non des artistes? En tout cas, la conversation lui plaît et les thèmes sont passés en revue comme une mélancolie soulevée dans mon regard pendant l’exercice précédent du portrait. Pas la mélancolie mais une mélancolie laissant entendre qu’il en existe plusieurs. Mais j’évoque la chance. C’est pas pour dire mais il en faut. Des fois on dit pas non. Je suis plus sûre mais peut-être que je dis ça en regardant mon portrait, un portrait signé par l’illustre illustrateur et scénariste de BD. Soigneusement Fariba le rangera dans le carnet lorsque nous prendrons congés. Je vous ai pas trop fait perdre votre temps? Et nous, le votre peut-être?
Après ces politesses nous partons dans des directions opposées. Si le mystère du pourquoi des rencontres persiste celui du pourquoi le talent et l’inspiration nous apparaît à cette heure illuminé d’une profonde clarté.
Le dessin achevé, notre dessinateur le plie sur le bord et le découpe: «vous pourrez le vendre». En moi-même je pense quel prétentieux tout de même, il se prend pas pour n’importe qui! Mais j’esquive. «Alors? votre chérie qui pose pour vous dans vos cahiers, elle est pas avec vous?» Il me regarde, songeur. «Non, elle est avec son mari». On rigole. Une relation pas légale. Les femmes, selon lui, se redécouvrent une vie à quarante ans. Elles ont eu des enfants, ont fait un bout de leur vie professionnelle et puis tombent dans l’évidence: elles s’emmerdent avec leur maris. C’est l’occasion de redémarrer. Ca a l’air d’inspirer notre ami. En tout cas, il semble y trouver son compte. Pendant que nous bavardons, Fariba est passée aux commandes; cette fois, elle a pris le carnet de monsieur-sur-le-banc. Le dessin est vraiment réussi. Juste quelques traits mais ils rendent compte habilement du visage de notre inconnu. Elle signe.
- Au fait, votre nom, à vous?
- Edmond. Mais je signe Baudoin.
C’est l’émotion. Je ris. C’est reparti pour un tour. Et la religion? Jamais. Je l’ai su depuis tout petit. Mais monsieur est tout de même un peu mystique, un peu sorcier, un peu devin. En coulant le portrait de Laurent quelques minutes auparavant, il nous lâche tout bonnement «mathématicien». On est un peu sur le cul. Il se justifie. «Oh! avec une tête pareille, on est soit artiste, soit on fait des maths!». Est-il déçu d’avoir des scientifiques en face et non des artistes? En tout cas, la conversation lui plaît et les thèmes sont passés en revue comme une mélancolie soulevée dans mon regard pendant l’exercice précédent du portrait. Pas la mélancolie mais une mélancolie laissant entendre qu’il en existe plusieurs. Mais j’évoque la chance. C’est pas pour dire mais il en faut. Des fois on dit pas non. Je suis plus sûre mais peut-être que je dis ça en regardant mon portrait, un portrait signé par l’illustre illustrateur et scénariste de BD. Soigneusement Fariba le rangera dans le carnet lorsque nous prendrons congés. Je vous ai pas trop fait perdre votre temps? Et nous, le votre peut-être?
Après ces politesses nous partons dans des directions opposées. Si le mystère du pourquoi des rencontres persiste celui du pourquoi le talent et l’inspiration nous apparaît à cette heure illuminé d’une profonde clarté.
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