Elle est heureuse. Elle est épanouie. Et
pour cause. Son homme est beau, il faut le dire. Il ressemble à Ken, le copain
de Barbie. Qui n’a pas eu de fantasmes sur le copain de Barbie? Cette coupe
impeccable, ce teint bronzé, ces yeux verts, ce sourire d’ange, ces abdos à
tomber par terre. Qui n’a pas rêvé de construire son quotidien avec un homme
pareil? La femme dont je vous parle ne rêve plus. Cet homme là, il vit avec
elle. Et en plus il fait la cuisine, lave, range, fait les courses, coache les
séances de muscu, tond la pelouse, aide l’ado de fils dans ses devoirs, répond
à toutes les questions du trivial poursuite, la comprend quand elle a des
problèmes, l’écoute quand les soucis frappent à la porte, prépare des salades
au lieu de ramener des kebabs, assaisonne les lentilles au lieu de faire
bouillir des pâtes, n’a pas l’esprit pollué par une ambition quelconque, la
respecte et la conseille dans ses choix, va commander les cafés au bar quand
elle est avec une copine, etc, etc, etc… La femme dont je vous parle vit au
pays des merveilles.
Le
pays des merveilles. Je l’ai découvert l’autre soir en replay*. Autant vous
dire que j’adore ce genre de découverte tout comme j’adore les rencontres d’un
soir, celles qui nous construisent une mémoire et nous font accepter la rudesse
des après-midi silencieuses.
C’est l’histoire d’une
société. Pas de demain, pas d’hier mais bien d’aujourd’hui. La science fiction
d’une époque révolue nous voyait télé-transportés, voyageant dans l’espace
comme on va en vacances à St Malo ou à Palavas et vêtus de combinaison en lycra
bicolore et de bottes souples montant jusqu’au genou. La science fiction
moderne quant à elle ne souffre plus du besoin de nous projeter 30 ans, 50 ans,
100 ans en avant. Il semblerait que son essence même consiste à nous laisser
dans notre ère et à porter un miroir grossissant sur certains aspects du monde
technologique qui nous entoure. Alors oui, pourquoi pas des robots humains pour
édulcorer notre quotidien? Des robots humains vous avez dit? Oui des robots
humains. Ils ont une petite prise dans le cou, au bas du dos pour les anciens
modèles, pour être initialisés, programmés, rechargés.
Des
clients déambulent chez un concessionnaire vendeur de hubots, c’est comme ça
qu’on les appelle. Ils/elles sont jardiniers.ières, cuisiniers.ières, homme à
tout faire ou femme à tout faire, monteurs.ses sur des chaînes d’assemblage,
danseurs.ses dans des peep shows, employés.es dans des clubs de charme. Vous
êtes un particulier ou une entreprise vous pouvez acheter ce qui vous plaît, ce
dont vous avez besoin comme on achèterait la dernière née d’une grande marque
d’auto. Que d’allégresse. On se laisserait bien tenté. En plus y’a des promos…
Et puis voilà, un avatar de Ken atterrit dans votre maison.
Le mari, le vrai, lui,
n’est pas très content par contre, jugeant la machine trop bête, la machine
trop machine. Mais finalement que peut-on attendre d’une machine? Un petit
groupe de rebelles hubots ayant pris le maquis en quête de liberté, de droit à
l’autodétermination et de prises électriques est censé nous donner la réponse.
Alors je vais pas manquer ça. Car ces humains-machines en train de se battre
pour leur droit à vivre et être traités comme des êtres de chair nous renvoient
notre image de société tendant de plus en plus à vivre et à raisonner comme des
robots.
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