Les
monstres sacrés du cinéma reviennent me hanter certaines nuits d’orage. Quand
l’éclair déchire l’encre du ciel, quand le battant de la fenêtre claque dans la
bourrasque, je vois passer les ectoplasmes qui ont illuminé mon petit écran ou
les toiles de la rue des Ecoles, des Mk2, Utopia, Escurial, St Louis et j’en
passe. Et si je vous parle ce soir ce n’est point pour faire la liste de ces
hommes célèbres qui font la une de nos fantasmes mais bien pour regarder
moi-même dans une autre avec l’espoir vain de m’y trouver bien sûr.
Il y
a des femmes qui vous font aimer être une femme, n’est-ce pas? Curieusement on
le réalise des décennies plus tard. Ces légendes comme il se doit existent bien
au delà de l’Hadès: pour le meilleur et pour le pire. Les fauves de la mode qui
se réapproprient un style inégalable n’en ont pas perdu une miette. Yeux
surlignés à l’eyeliner, cheveux plaqué en danseuse de ballet, carré frisé
vaporeux noyé dans des plumes cabaret,
lèvres ourlées d’un rouge légèrement plus sombre, le blond parfois
cendré parfois plus clair, que d’atouts autour desquels rodent les affamés
fashionista en mal d’inspiration. Le style qui incarne une façon de vivre, un
être entier, clairvoyant et crédible. Ça a un prix tout cela et eux, les
fauves, ils le savent. Alors on s’attarde sur les grandes robes taillées dans
des foulards, ou des trapèzes ou des chemises, sur ce teint bronzé relevé par
une pièce blanche d’une simplicité à toute épreuve et qui pourtant imprime
notre pupille au point de nous en faire désirer une pour notre prochaine
session de piscine. On en oublierait même qu’une femme comme ça a elle aussi
signé le manifeste des 343 et par là même son engagement dans un combat pour
l’émancipation. Des mains gantées comme celles d’une hôtesse. Un chignon, des
lunette en écaille au dessus d’une machine à écrire, un bandeau dans les
cheveux, un ras de coup dans sa panoplie. Il faut bien se rendre à l’évidence,
TOUT lui va, TOUT devient un style sur elle.
Certes nous envions la beauté mais aussi ses
personnages. Marianne ou Rosalie figurant la duplicité ou la double vie comme
on veut. Les synopsis diront «tiraillée entre deux hommes» car une femme,
jamais au grand jamais, ne s’afficherait avec sa cour ni à cette époque ni à
une autre. Et pourtant, elle, elle le fait. Digne. Avec classe. Tu te
comportes comme un enfant, tu m’ennuies, adieu. Clac! Et derrière la porte
y’en a un autre qui l’attend pour la faire danser ou l’emmener dans son auto
humer les senteurs d’une campagne fleurie. Un héroïsme ordinaire: être une
femme et pouvoir jouer sur deux tableaux. A l’aise Blaise. Rien que pour ça,
pour s’affranchir des humeurs masculines. Pourquoi supporter ces vagues à l’âme agaçants quand la femme, elle,
n’aspire qu’à la tranquillité et à l’amour d’une seule vie. Derrière l’actrice
il y a cet idéal animal qui court très très vite et que pourtant nous
poursuivons avec peine. Alors merde, c’est vrai que la Romy, elle a versé dans
le Woolite et le savon Lux, mais cela n’enlève rien à sa légendaire polyandrie
incarnée dans des films qui devraient nous servir d’encyclopédie. Et cela, sans
prosélytisme, sans propagande juste parce qu’il en est ainsi. Parce que c’était
une femme qui aimait les hommes, la vie et l’espèce sapiens dans son
intégralité. Si elle devait refaire la scène du bain avec Piccoli, au lieu de
taper du plat de sa main en scandant l’argent, l’argent, l’argent, elle dirait
certainement ce petit leitmotiv qu’elle faisait battre du bout de ses cils: les
gens, les gens, les gens!
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